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29/03/2017

La confiance de Tekin Alp dans la pérennité de l'amitié turco-soviétique

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Tekin Alp, Le Kemalisme, Paris, Félix Alcan, 1937 :

"A ce propos, je ne puis pas m'empêcher de signaler la remarque de Marcel Sauvage, dans son reportage sur La Turquie dévoilée. Dans un chapitre consacré à l'esprit d'Ankara et aux six flèches du Parti du Peuple, il fait ressortir avec humour que la flèche représentant l'Etatisme est la plus longue !... et ajoute que les remarques faites à la suite de cette constatation lui auraient simplement précisé quelle influence l'esprit de Moscou avait eu sur l'esprit d'Ankara.

Certes, des liens d'amitié inébranlables, des intérêts d'une importance capitale, lient les deux métropoles de la démocratie, mais, de là à voir une certaine affinité dans l'esprit des deux révolutions, ce serait à mon avis une bien lourde erreur. (...)

S'agissant de l'intervention de l'Etat dans l'un comme dans l'autre système, il est naturel qu'à certains moments les deux alliées politiques fassent route ensemble, mais elles ne peuvent pas manquer de se séparer et de s'éloigner l'une de l'autre au carrefour de la propriété individuelle. Elles s'y sépareront avec une poignée de main chaleureuse et fraternelle, pour se rencontrer de nouveau et se donner la main, là où elles ont des intérêts communs moraux ou matériels." (p. 207-208)

"La Russie soviétique fait du nationalisme, tout en arborant le principe de l'Internationalisme.

On y met en avant le matérialisme historique de Karl Marx, mais, en réalité, c'est de la mystique russe-nationale, telle que nous la voyons dans les livres de Tolstoï, Dostoïewski, Pouchkine et Tourguenieff. S'il est vrai qu'il y a dans le bolchevisme certains éléments de l'esprit juif, on pourra y reconnaître peut-être les traces du messianisme juif. C'est peut-être ce mysticisme slave associé au messianisme juif qui fait croire au moujik et à l'ouvrier moscovite qu'il est appelé à rétablir sur la terre la paix universelle et le bonheur éternel de l'humanité en détruisant et en annihilant par la violence tout ce qui, de près ou de loin, touche à l'esprit et au régime bourgeois. C'est toujours grâce à cet esprit mystique et messianique que les communistes ont fini par déifier Lénine et substituer son icône aux icônes des saints.

Au début, le communisme a eu beau agiter le drapeau de l'Internationalisme, il a eu beau rêver d'attirer toutes les Nations du monde dans son orbite, mais la nature des choses a fini par triompher. Le communisme se nationalise et se russifie de plus en plus.

L'armée rouge créée par Trotzki dans le but de libérer le monde du joug bourgeois, a maintenant comme mission de défendre le sol russe contre les convoitises germaniques, japonaises ou autres et dans ce but, les Soviets concluent des pactes avec des puissances bourgeoises. L'antimilitarisme qui est une des principales bases du credo communiste est mis au rancart et l'armée rouge participe à la course aux armements au même degré que certaines Nations bourgeoises.

La Russie moscovite, qui répudie le principe de nationalité, ne fait pas autre chose que du nationalisme en prétendant qu'elle est appelée à régénérer le monde, et qu'elle est prédestinée à être le modèle et l'inspiratrice des autres peuples, qu'elle est l'avant-garde de l'humanité vers le paradis terrestre, qu'elle changera le cours de l'histoire millénaire et établira dans le monde entier le règne de la justice, de la fraternité et de l'égalité. Il n'est pas exclu que tôt ou tard, nous y voyions des manifestations nationalistes sous les mêmes formes qu'ailleurs. A ce propos, il est intéressant de relever que le principe des nationalités n'a pas complètement disparu en Russie soviétique. Les multiples nationalités qui peuplent cet immense territoire conservent toujours leur individualité propre, leur langue, leur littérature et tout ce qui fait partie de la culture nationale, mais la mystique nationaliste y a été supplantée pour le moment par la mystique communiste. Aussi, la constitution soviétique s'enorgueillit-elle d'inscrire dans un de ses paragraphes que : « Dans le camp du socialisme règnent la confiance mutuelle et la paix, la liberté des Nations et l'égalité, la coexistence pacifique et la collaboration fraternelle des peuples. »

Litvinov, dans un discours prononcé à la Société des Nations, tire gloire du fait que :

« L'idée d'une association entre les Nations n'a rien d'inacceptable pour l'idéologie soviétique. Nous sommes, dit-il, un peuple réunissant dans 13 Républiques, 200 populations différentes. L'Ukraine, à elle seule, comprend plusieurs vingtaines de millions d'habitants. Jamais auparavant il ne s'était trouvé un ensemble de Nations aussi nombreuses, aussi variées, se groupant dans un seul Etat. L'égalité des droits de chacune de ces nationalités est parfaitement respectée, puisqu'il n'y a pas plus de majorité nationale que de minorité nationale. N'importe quelle nationalité n'a pas de moyens moindres qu'une autre nationalité. Autrefois, toutes les nationalités, exception faite de l'élément russe qui régnait par la force, étaient sacrifiées. Les résultats de la politique soviétique en ce domaine ont été jugés aussi bien par les amis que par les ennemis de l'Union. Certes, toutes les nationalités sont unies par l'identité du régime politique et économique et ont toutes le même idéal. »

En effet, on ne peut pas nier que le feu sacré de l'idéal communiste domine et refoule tout sentiment et tout penchant qui lui est étranger et, parmi ceux-ci, la mystique nationaliste. Mais, les Soviets jouent là un jeu très dangereux ; ils nourrissent dans leur sein un ennemi mortel, ils le sentiront le jour où la force de la mystique communiste commencera à fléchir. Alors, on pourra voir le principe des nationalités, le sentiment de solidarité raciale, linguistique et culturelle reprendre ses droits et s'ériger en maître dans la vie publique.

Déjà aujourd'hui, comme le fait remarquer fort bien M. Herriot dans son remarquable livre sur l'Orient :

« La logique de la théorie se heurte parfois à la réalité mouvante de la vie. Les forces fédérales et les forces nationales entrent parfois en conflit. On se plaint de l'action russe dans certaines entreprises de Bakou. On signale en Géorgie des rixes entre divers éléments nationaux, et la prédominance excessive des Russes sur les Géorgiens dans les services de chemins de fer de Tiflis. Au Congrès de février 1934, devant les représentants du Parti bolchéviste, M. Pastechev a signalé l'action en Ukraine des divers groupements nationalistes. »

Quoi qu'il en soit, que l'esprit nationaliste russe se manifeste par le principe des nationalités ou par l'idéal communiste, il conservera toujours son origine et son essence mystique." (p. 235-238)

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24/03/2017

Le rôle révolutionnaire d'Alexandre Parvus et Tekin Alp

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Alexandre Parvus et Tekin Alp.

 

René Pinon, "L'Offensive de l'Asie", Revue des Deux Mondes, 15 avril 1920, p. 812-813 :

"La défaite du général Denikine, la mort de l'amiral Koltchak, la reconnaissance, par la conférence des Alliés, de l'indépendance de fait de l'Azerbaïdjan, ont encouragé les nationalistes turcs dans leur résistance aux volontés des vainqueurs et dans leurs espérances pantouraniennes, en même temps que le mouvement bolchévik, dont l'évolution interne tend vers une sorte de nationalisme révolutionnaire et émancipateur. Turcs nationalistes et Russes bolchéviks espèrent d'ailleurs trouver des appuis en Europe dans les partis révolutionnaires communistes, particulièrement ceux d'Italie qui déjà prêtent leur concours aux nationalistes d'Egypte. La Suisse est un centre d'agitation panislamique : Turcs, Egyptiens, Persans s'y rencontrent ; c'est un va-et-vient continuel de délégués entre la Suisse, Constantinople, le Caucase, l'Egypte, Moscou, Berlin.

Beaucoup de fils de la vaste intrigue aboutissent entre les mains du célèbre agent international Helphand, dit Parvus, que le gouvernement helvétique a récemment invité à sortir de la confédération. Qui connaîtrait les intrigues de ce juif de Bessarabie pendant toute la guerre, posséderait la clef d'événements considérables. Agent révolutionnaire au service de l'Etat-major allemand, il est mêlé à toutes les trames qui amènent la dislocation de l'armée et de l'Empire russe par le bolchévisme. Son officine principale est à Copenhague d'où il alimente de nouvelles tendancieuses et d'informations truquées la presse germanophile du monde entier. Il touche aussi aux affaires de Turquie ; il travaille à la réunion du Caucase à l'empire ottoman ; il fait un instrument de guerre de ce pantouranisme inventé par son coreligionnaire de Salonique, Cohen dit Tekin-Alp ; il est pantouranien pour le roi de Prusse.

L'activité d'un tel personnage est caractéristique ; elle est l'un des signes qui révèlent une étroite connexion entre la politique allemande, la révolution bolchéviste, le nationalisme turc et pantouranien, la révolution universelle. Il est possible que le gouvernement du Reich allemand ne soit pas mêlé directement à cette louche politique qui tend à replonger l'Europe, et l'Asie avec elle, dans les horreurs d'une guerre qui serait à la fois nationale et sociale ; mais de nombreux Allemands sont restés en Orient, et il est certain d'ailleurs que les partis et les hommes qui ont dirigé et perdu la guerre travaillent à rallumer l'incendie en Asie, dans un sentiment de vengeance contre l'Angleterre et dans l'espoir de tirer pied ou aile, à l'avantage de l'Allemagne, de toute complication grave qui se produirait en Orient. (...)

Ainsi se dessine contre les Alliés victorieux, pour remettre en question les résultats de leur victoire, un vaste complot ; il a trois centres : Moscou, Constantinople, Berlin."

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