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13/05/2017

Le groupe/revue Kadro

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Dorothée Guillemarre-Acet, Impérialisme et nationalisme. L'Allemagne, l'Empire ottoman et la Turquie (1908-1933), Würzburg, Ergon Verlag, 2009, p. 300-301 :

"En 1932 paraît une nouvelle revue intitulée Kadro, rédigée par six intellectuels kémalistes, parmi lesquels Vedat Nedim (Tör) et Burhan Asaf (Belge), qui, comme l'on s'en souvient, ont tous deux étudié en Allemagne. Font également partie dece groupe Şevket Süreyya [Aydemir], auteur plus tard de la biographie d'Enver pacha, et İsmail Hüsrev [Tökin], qui ont étudié à Moscou. Tous ou presque ont fait partie du parti communiste turc interdit en 1925. Sept ans plus tard, en 1932, leur intention est de formuler une idéologie du kémalisme, et c'est à ce titre qu'ils font paraître la revue Kadro, jusqu'en 1935. (...)

Se référant à la fois à la NEP de Lénine, au modèle de l'économie soviétique planifiée et aux théoriciens de l'économie nationale et du socialisme d'Etat comme Friedrich List, Adolph Wagner et surtout Werner Sombart, les éditeurs de Kadro refusent le libéralisme économique. Tout en se démarquant des idées de Ziya Gökalp et des unionistes, ils défendent la conception selon laquelle la bourgeoisie doit être contrôlée par l'Etat. A ce titre, ils mettent en avant la nécessité de trouver une troisième voie entre le capitalisme et le socialisme. Défendant l'étatisme économique, ils ne sont pas contre le secteur privé mais estiment que l'Etat doit décider où le secteur privé investit."

Zaki Laïdi, introduction : "A quoi sert l'Union soviétique ?", in Zaki Laïdi (dir.), L'URSS vue du Tiers Monde, Paris, Karthala, 1984, p. 24 :

"En effet, l'hostilité de la Turquie aux puissances occidentales, la priorité accordée au développement économique impulsé par l'Etat ou la recherche d'une légitimité séculière par le pouvoir kémaliste auraient pu faciliter l'ancrage partiel d'une référence de type soviétique dans ce pays. C'est là d'ailleurs une hypothèse qui n'est pas totalement gratuite lorsqu'on se rapporte aux efforts du groupe kadro pour étendre à la Turquie kémaliste les pratiques soviétiques du développement planifié."

Semih Vaner, "La Turquie, la Grèce et les grandes puissances : l'une contre l'autre, trois contre une ou chacune pour soi ?", in Semih Vaner (dir.), Le Différend gréco-turc, Paris, L'Harmattan, 1988, p. 175 :

"Il [Mustafa Kemal] avait obtenu de l'Union soviétique de Lénine, confrontée pourtant à d'immenses privations, une aide économique et militaire précieuse. Certains intellectuels regroupés autour du mouvement Kadro, conseillers écoutés de Kemal, s'inspireront même du modèle soviétique dans la construction du nouvel Etat (pour sa planification économique notamment) formé sur les décombres de l'Empire ottoman et dont le nationalisme turc sera le pilier fondamental."

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29/03/2017

La confiance de Tekin Alp dans la pérennité de l'amitié turco-soviétique

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Tekin Alp, Le Kemalisme, Paris, Félix Alcan, 1937 :

"A ce propos, je ne puis pas m'empêcher de signaler la remarque de Marcel Sauvage, dans son reportage sur La Turquie dévoilée. Dans un chapitre consacré à l'esprit d'Ankara et aux six flèches du Parti du Peuple, il fait ressortir avec humour que la flèche représentant l'Etatisme est la plus longue !... et ajoute que les remarques faites à la suite de cette constatation lui auraient simplement précisé quelle influence l'esprit de Moscou avait eu sur l'esprit d'Ankara.

Certes, des liens d'amitié inébranlables, des intérêts d'une importance capitale, lient les deux métropoles de la démocratie, mais, de là à voir une certaine affinité dans l'esprit des deux révolutions, ce serait à mon avis une bien lourde erreur. (...)

S'agissant de l'intervention de l'Etat dans l'un comme dans l'autre système, il est naturel qu'à certains moments les deux alliées politiques fassent route ensemble, mais elles ne peuvent pas manquer de se séparer et de s'éloigner l'une de l'autre au carrefour de la propriété individuelle. Elles s'y sépareront avec une poignée de main chaleureuse et fraternelle, pour se rencontrer de nouveau et se donner la main, là où elles ont des intérêts communs moraux ou matériels." (p. 207-208)

"La Russie soviétique fait du nationalisme, tout en arborant le principe de l'Internationalisme.

On y met en avant le matérialisme historique de Karl Marx, mais, en réalité, c'est de la mystique russe-nationale, telle que nous la voyons dans les livres de Tolstoï, Dostoïewski, Pouchkine et Tourguenieff. S'il est vrai qu'il y a dans le bolchevisme certains éléments de l'esprit juif, on pourra y reconnaître peut-être les traces du messianisme juif. C'est peut-être ce mysticisme slave associé au messianisme juif qui fait croire au moujik et à l'ouvrier moscovite qu'il est appelé à rétablir sur la terre la paix universelle et le bonheur éternel de l'humanité en détruisant et en annihilant par la violence tout ce qui, de près ou de loin, touche à l'esprit et au régime bourgeois. C'est toujours grâce à cet esprit mystique et messianique que les communistes ont fini par déifier Lénine et substituer son icône aux icônes des saints.

Au début, le communisme a eu beau agiter le drapeau de l'Internationalisme, il a eu beau rêver d'attirer toutes les Nations du monde dans son orbite, mais la nature des choses a fini par triompher. Le communisme se nationalise et se russifie de plus en plus.

L'armée rouge créée par Trotzki dans le but de libérer le monde du joug bourgeois, a maintenant comme mission de défendre le sol russe contre les convoitises germaniques, japonaises ou autres et dans ce but, les Soviets concluent des pactes avec des puissances bourgeoises. L'antimilitarisme qui est une des principales bases du credo communiste est mis au rancart et l'armée rouge participe à la course aux armements au même degré que certaines Nations bourgeoises.

La Russie moscovite, qui répudie le principe de nationalité, ne fait pas autre chose que du nationalisme en prétendant qu'elle est appelée à régénérer le monde, et qu'elle est prédestinée à être le modèle et l'inspiratrice des autres peuples, qu'elle est l'avant-garde de l'humanité vers le paradis terrestre, qu'elle changera le cours de l'histoire millénaire et établira dans le monde entier le règne de la justice, de la fraternité et de l'égalité. Il n'est pas exclu que tôt ou tard, nous y voyions des manifestations nationalistes sous les mêmes formes qu'ailleurs. A ce propos, il est intéressant de relever que le principe des nationalités n'a pas complètement disparu en Russie soviétique. Les multiples nationalités qui peuplent cet immense territoire conservent toujours leur individualité propre, leur langue, leur littérature et tout ce qui fait partie de la culture nationale, mais la mystique nationaliste y a été supplantée pour le moment par la mystique communiste. Aussi, la constitution soviétique s'enorgueillit-elle d'inscrire dans un de ses paragraphes que : « Dans le camp du socialisme règnent la confiance mutuelle et la paix, la liberté des Nations et l'égalité, la coexistence pacifique et la collaboration fraternelle des peuples. »

Litvinov, dans un discours prononcé à la Société des Nations, tire gloire du fait que :

« L'idée d'une association entre les Nations n'a rien d'inacceptable pour l'idéologie soviétique. Nous sommes, dit-il, un peuple réunissant dans 13 Républiques, 200 populations différentes. L'Ukraine, à elle seule, comprend plusieurs vingtaines de millions d'habitants. Jamais auparavant il ne s'était trouvé un ensemble de Nations aussi nombreuses, aussi variées, se groupant dans un seul Etat. L'égalité des droits de chacune de ces nationalités est parfaitement respectée, puisqu'il n'y a pas plus de majorité nationale que de minorité nationale. N'importe quelle nationalité n'a pas de moyens moindres qu'une autre nationalité. Autrefois, toutes les nationalités, exception faite de l'élément russe qui régnait par la force, étaient sacrifiées. Les résultats de la politique soviétique en ce domaine ont été jugés aussi bien par les amis que par les ennemis de l'Union. Certes, toutes les nationalités sont unies par l'identité du régime politique et économique et ont toutes le même idéal. »

En effet, on ne peut pas nier que le feu sacré de l'idéal communiste domine et refoule tout sentiment et tout penchant qui lui est étranger et, parmi ceux-ci, la mystique nationaliste. Mais, les Soviets jouent là un jeu très dangereux ; ils nourrissent dans leur sein un ennemi mortel, ils le sentiront le jour où la force de la mystique communiste commencera à fléchir. Alors, on pourra voir le principe des nationalités, le sentiment de solidarité raciale, linguistique et culturelle reprendre ses droits et s'ériger en maître dans la vie publique.

Déjà aujourd'hui, comme le fait remarquer fort bien M. Herriot dans son remarquable livre sur l'Orient :

« La logique de la théorie se heurte parfois à la réalité mouvante de la vie. Les forces fédérales et les forces nationales entrent parfois en conflit. On se plaint de l'action russe dans certaines entreprises de Bakou. On signale en Géorgie des rixes entre divers éléments nationaux, et la prédominance excessive des Russes sur les Géorgiens dans les services de chemins de fer de Tiflis. Au Congrès de février 1934, devant les représentants du Parti bolchéviste, M. Pastechev a signalé l'action en Ukraine des divers groupements nationalistes. »

Quoi qu'il en soit, que l'esprit nationaliste russe se manifeste par le principe des nationalités ou par l'idéal communiste, il conservera toujours son origine et son essence mystique." (p. 235-238)

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07/05/2016

La coopération économique entre les Etats turc et soviétique

G. Skorov, "L'aide économique et technique de l'URSS aux pays sous-développés", Tiers-Monde, tome 1, n° 4, 1960, p. 491-492 :

"L'assistance du monde socialiste aux Etats de l'Orient ne débuta pas dans les années 50, comme on le pense en Occident, mais bien antérieurement puisqu'elle prend ses racines dans les premières journées de la Révolution socialiste d'octobre 1917 qui mit fin pour toujours aux traités inégaux imposés par le gouvernement tsariste aux pays de l'Orient. La renonciation au tribut colonial et le commerce fondé sur une nouvelle base d'égalité allégèrent considérablement le fardeau économique des pays limitrophes de la Russie en apportant une aide sérieuse, bien qu'indirecte, à leurs peuples. Malgré ses immenses besoins l'Etat soviétique assura par la suite une aide économique directe aux pays sous-développés. En 1932, le gouvernement soviétique accorda à la Turquie un emprunt sans intérêts pour 20 ans de 8 millions de dollars amortissable en monnaie turque. Simultanément l'U.R.S.S. fournissait à la Turquie des projets de constructions industrielles, un équipement ultra-moderne, ainsi que des ingénieurs et des techniciens. La formation de cadres techniques turcs était organisée en U.R.S.S."

Daniel Vernet, "Ankara et Moscou comptent tripler en trois ans leurs échanges économiques", Le Monde, 26 juin 1978 :

"Moscou. - L'Union soviétique et la Turquie ont signé, le vendredi 23 juin, un "document politique sur les principes de la coopération, de bon voisinage et d'amitié", à la fin de la visite officielle de M. Bulent Ecevit à Moscou. Ce texte reprend l'essentiel du communiqué publié le 17 avril 1972, après le voyage de M. Podgorny à Ankara, mais il lui donne un caractère plus solennel ; sans toutefois être le pacte de non-agression que souhaitaient les Soviétiques, il ajoute cependant des références constantes à l'Acte final de la conférence d'Helsinki. (...)

Le premier ministre turc, qui avait été reçu jeudi par M. Brejnev, et qui a eu plusieurs heures d'entretiens avec MM. Kossyguine et Gromyko, s'est déclaré "profondément satisfait" de sa visite. Il a surtout insisté sur le développement des échanges économiques et commerciaux avec l'U.R.S.S. L'Union soviétique et la Turquie vont signer à bref délai un accord économique à long terme qui prévoira le triplement des échanges en trois ans. Les échanges soviéto-turcs ont atteint 160 millions de dollars en 1977.

A partir de 1979, l'U.R.S.S. s'est engagée à livrer 3 millions de tonnes de pétrole par an à la Turquie, ce qui représente environ un cinquième de sa consommation. La contrepartie turque sera composée de céréales, de coton, de certains minerais comme le chrome et, au cas où ces livraisons seraient insuffisantes, Ankara paierait la différence en devises convertibles. D'autre part, les Soviétiques apporteront leur aide à l'extraction du pétrole en Turquie."

François Schlosser, "L'Occident malade de la Turquie", Le Nouvel Observateur, 25 février 1980 :

"(...) le voisin soviétique n'est pas resté insensible à l'intéressante évolution des Turcs [dans les années 70]. Moscou n'a pas lésiné sur l'aide : un milliard de dollars de crédits pour construire des routes, un complexe sidérurgique, une raffinerie de pétrole (et quatre milliards en projets, notamment pour une centrale atomique). La Turquie livre ses surplus de grains à l'U.R.S.S., qui lui fournit 10 % du pétrole qu'elle consomme, et en Anatolie orientale des lignes électriques sont directement branchées sur les réseaux soviétiques."

Le plan quinquennal turc (1934)

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Monique Olivier, "Disparités régionales en Turquie : vers une politique d'aménagement du territoire", Anatolia Moderna, n° 1, 1991, p. 296 :

"La Turquie peut s'enorgueillir d'avoir mis en œuvre l'une des toutes premières expériences mondiales de planification nationale. Les travaux sur le premier Plan quinquennal sont entrepris en 1932 avec l'aide de conseillers soviétiques, et le Plan est adopté en 1934. Ce plan est avant tout une liste détaillée de projets d'investissements plutôt qu'un texte de planification au sens strict du terme. Il s'agissait d'investissements ponctuels et sectoriels destinés à lancer l'industrie. Ce plan a été néanmoins un document essentiel qui a guidé les décisions d'investissement durant cette époque."

25/11/2013

Les aides soviétiques à la Turquie dans les années 70

Gilles Bertrand, Le conflit helléno-turc : la confrontation de deux nationalismes à l'aube du XXIe siècle, Paris, Maisonneuve et Larose, 2004, p. 55 :

"Pour atteindre cet objectif (la reconnaissance de la valeur stratégique et du statut de puissance régionale de la Turquie), ses dirigeants mènent une politique de rapprochement prudent avec l'Union soviétique qui renforcerait l'intervention de cette dernière dans les différends helléno-turcs. Quelques mois après la lettre de Johnson, le ministre des Affaires étrangères, Feridun Cemal Erkin, effectue une visite officielle à Moscou (novembre 1964), une première depuis 1939. Suivent deux autres visites officielles à Moscou : celle du Premier ministre Süleyman Demirel (septembre 1967) et celle du président de la République, Cevdet Sunay (octobre 1969) au cours desquelles des aides financières soviétiques sont négociées, ainsi que des partenariats industriels et commerciaux. Après une parenthèse, due notamment au coup d'Etat de 1971, les relations turco-soviétiques connaissent une nouvelle embellie de 1975 à 1979, époque, précisément, de l'embargo américain sur les armes. La Turquie recevra, entre 1975 et 1979, 2,8 milliards de dollars d'aides soviétiques et, en 1978, « elle est devenue (...) la première bénéficiaire de l'assistance soviétique bilatérale au Tiers-Monde »."

15/11/2013

Samir Amin et le développement de la Turquie kémaliste

Samir Amin, Itinéraire intellectuel. Regards sur le demi-siècle 1945-90, Paris, L'Harmattan, 1993, p. 115-116 :

"En Asie occidentale les circonstances - la pression de l'URSS - avaient fait de la Turquie un allié inconditionnel des Etats-Unis. Il reste que Washington n'a jamais renoncé à profiter de sa présence pour liquider le kémalisme - l'ancêtre avec trente ans d'avance du nassérisme et du projet de Bandoung. Revenu deux fois au pouvoir, en 1961 lorsque le général Gursel met un terme au régime compradore de Menderes, puis en 1980, le kémalisme, épuisé depuis longtemps, n'a jamais été capable ni de se dépasser lui-même, ni de laisser la place à un mouvement démocratique et populaire capable potentiellement de le faire. Son dérapage dans la direction du chauvinisme en 1983 (l'affaire de Chypre) s'explique peut-être par cet échec. Obnubilée par sa candidature à l'adhésion à la CEE, toujours refusée par Bruxelles, la Turquie a néanmoins à son actif un développement industriel compétitif qui la range dans le peloton de tête du tiers-monde nouveau. L'effondrement de l'URSS et la nouvelle donne au Moyen-Orient vont-ils mettre cette puissance au service d'un expansionnisme tournant délibérément le dos à l'Europe, ranimant un "néo-ottomanisme" ou un "néo-pantouranisme" ?"

Samir Amin, L'ethnie à l'assaut des nations : Yougoslavie, Ethiopie, Paris, L'Harmattan, 1994, p. 69-70 :

"Aujourd'hui, l'Asie centrale ex-soviétique constitue, avec la Turquie, la seule région du monde islamique sortie de la misère abjecte et de l'inefficacité totale de ses systèmes d'organisation et de production. Elle le doit au pouvoir soviétique."