24/03/2017
Le rôle révolutionnaire d'Alexandre Parvus et Tekin Alp
Alexandre Parvus et Tekin Alp.
René Pinon, "L'Offensive de l'Asie", Revue des Deux Mondes, 15 avril 1920, p. 812-813 :
"La défaite du général Denikine, la mort de l'amiral Koltchak, la reconnaissance, par la conférence des Alliés, de l'indépendance de fait de l'Azerbaïdjan, ont encouragé les nationalistes turcs dans leur résistance aux volontés des vainqueurs et dans leurs espérances pantouraniennes, en même temps que le mouvement bolchévik, dont l'évolution interne tend vers une sorte de nationalisme révolutionnaire et émancipateur. Turcs nationalistes et Russes bolchéviks espèrent d'ailleurs trouver des appuis en Europe dans les partis révolutionnaires communistes, particulièrement ceux d'Italie qui déjà prêtent leur concours aux nationalistes d'Egypte. La Suisse est un centre d'agitation panislamique : Turcs, Egyptiens, Persans s'y rencontrent ; c'est un va-et-vient continuel de délégués entre la Suisse, Constantinople, le Caucase, l'Egypte, Moscou, Berlin.
Beaucoup de fils de la vaste intrigue aboutissent entre les mains du célèbre agent international Helphand, dit Parvus, que le gouvernement helvétique a récemment invité à sortir de la confédération. Qui connaîtrait les intrigues de ce juif de Bessarabie pendant toute la guerre, posséderait la clef d'événements considérables. Agent révolutionnaire au service de l'Etat-major allemand, il est mêlé à toutes les trames qui amènent la dislocation de l'armée et de l'Empire russe par le bolchévisme. Son officine principale est à Copenhague d'où il alimente de nouvelles tendancieuses et d'informations truquées la presse germanophile du monde entier. Il touche aussi aux affaires de Turquie ; il travaille à la réunion du Caucase à l'empire ottoman ; il fait un instrument de guerre de ce pantouranisme inventé par son coreligionnaire de Salonique, Cohen dit Tekin-Alp ; il est pantouranien pour le roi de Prusse.
L'activité d'un tel personnage est caractéristique ; elle est l'un des signes qui révèlent une étroite connexion entre la politique allemande, la révolution bolchéviste, le nationalisme turc et pantouranien, la révolution universelle. Il est possible que le gouvernement du Reich allemand ne soit pas mêlé directement à cette louche politique qui tend à replonger l'Europe, et l'Asie avec elle, dans les horreurs d'une guerre qui serait à la fois nationale et sociale ; mais de nombreux Allemands sont restés en Orient, et il est certain d'ailleurs que les partis et les hommes qui ont dirigé et perdu la guerre travaillent à rallumer l'incendie en Asie, dans un sentiment de vengeance contre l'Angleterre et dans l'espoir de tirer pied ou aile, à l'avantage de l'Allemagne, de toute complication grave qui se produirait en Orient. (...)
Ainsi se dessine contre les Alliés victorieux, pour remettre en question les résultats de leur victoire, un vaste complot ; il a trois centres : Moscou, Constantinople, Berlin."
15:16 | Tags : empire ottoman, russie, allemagne, jön türkler, kémalisme, communisme, panturquisme, parvus, tekin alp, nationalisme turc, azerbaïdjan, caucase | Lien permanent | Commentaires (0)
16/03/2014
Socialisme et nationalisme en Turquie
Francois Georgeon, Des Ottomans aux Turcs. Naissance d'une nation, Istanbul, Isis, 1995, p. 9 :
"Dès avant l'entrée en guerre, du reste, les Jeunes Turcs ont proclamé l'abrogation unilatérale des capitulations.
En même temps l'anti-impérialisme devient l'un des thèmes favoris de la jeunesse et de l'intelligentsia turque. Le premier à apporter aux intellectuels turcs une théorie de l'impérialisme est Parvus. Nationalisme et socialisme coïncident étroitement à cette époque : de nombreux socialistes et communistes sont issus des rangs nationalistes, à commencer par le fondateur du parti communiste turc Mustafa Suphi qui, en 1912-1913, militait dans les rangs d'un petit parti nationaliste. Cette convergence du socialisme et du nationalisme est un autre facteur qui contribue à donner au nationalisme turc de cette époque une coloration progressiste. Pendant la guerre d'indépendance, guerre de libération nationale menée au moins autant contre les envahisseurs grecs que contre les impérialistes anglais, Mustafa Kemal qui s'appuie sur la Russie soviétique va parfois jusqu'à employer un vocabulaire nettement anti-impérialiste.
Cette coloration anti-impérialiste est fondamentale pour comprendre ce qu'est le nationalisme turc aujourd'hui."
17:27 | Tags : türk kurtuluş savaşı, jön türkler, kémalisme, nationalisme turc, mustafa suphi, atatürk, socialisme, communisme, turquie, empire ottoman, tkp, parvus | Lien permanent | Commentaires (0)