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23/04/2017

La faible participation des nationalistes kurdes au mouvement anti-guerre en Turquie (2003)

"Turquie : Le réveil du mouvement", Rouge (hebdomadaire de la LCR), n° 2010, 27 mars 2002 :

"Après l'accession au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP, islamiste) et le refus du Parlement turc d'autoriser le passage des troupes étatsuniennes, le mouvement contre la guerre connaît de nouveaux développements.

Jusqu'au 1er mars dernier, les mouvement antiguerre et altermondialiste n'étaient pas parvenus à se construire en Turquie. L'an dernier, seulement 6 000 personnes avaient participé à une manifestation pour la Palestine, organisée par le Parti de la liberté et de la solidarité (ÖDP).

A l'approche de la guerre, une coordination contre la guerre en Irak s'est constituée, incluant 150 organisations de toutes grandeurs comme la Confédération des syndicats des travailleurs publics (Kesk), la Confédération des syndicats des ouvriers révolutionnaires (DISK ), l'Union des médecins turcs (TTB), l'Union des chambres des ingénieurs et des architectes turcs (TMMOB) et des personnalités. La première manifestation, en plein centre d'Istanbul, en janvier, ainsi que la seconde du 15 février où les organisations politiques étaient prépondérantes, n'ont réuni que 5 000 personnes chacune. Le mouvement kurde, qui constitue généralement la partie la plus nombreuse des manifestations de masse, confronté à un dilemme en raison de la guerre en Irak, n'avait assuré qu'une faible participation. De plus, il voulait absolument inclure parmi les revendications une protestation contre les mesures d'isolement auxquelles est soumis Öcalan.

Cocktails Molotov et vitrines fracassées lors de la dispersion de la foule ont provoqué des débats dans le mouvement antiguerre. Certains ont même alors suggéré de ne plus mener d'actions collectives contre la guerre. Finalement, c'est l'option d'une participation massive aux manifestations du 1er mars qui l'a emporté.

Le 1er mars 2003, le mouvement antiguerre a acquis une grande force morale, car l'autorisation de passage des troupes étatsuniennes avait été reportée et les discussions se poursuivaient toujours à l'Assemblée. Ce fut la plus grande manifestation de masse de ces dernières années, avec 50 000 participants. Le Disk, le TTB et le TMMOB ont rassemblé des cortèges importants. Le Syndicats des ouvriers de la Turquie (Turk-Is) a également regroupé un nombre inattendu de manifestants.

Mais les cortèges les plus dynamiques furent celui du Syndicat des enseignants (Egitim-Sen), affilié au Kesk, ainsi qu'un cortège rassemblant la jeunesse. L'ÖDP était en tête des partis politiques. Les islamistes, sensiblement plus nombreux que les partis de gauche, ont respecté la discipline de la manifestation.

Le refus du Parlement d'accorder aux troupes étatsuniennes l'autorisation de traverser la Turquie a contribué à légitimer le mouvement contre la guerre. A l'inverse, le poids des manifestations de rue sur cette décision est difficile à évaluer. Les députés de l'AKP sont peu sensibles aux initiatives impulsées par les partis de gauche ou par les organisations syndicales et sociales qui constituent l'essentiel des manifestations de rue. En revanche, l'AKP ne peut faire totalement la sourde oreille face à certaines organisations ou personnalités qui se sont exprimées contre la guerre, soit dans la rue, soit dans la presse.

A l'heure actuelle, la mobilisation populaire va également devoir affronter la mise en oeuvre des mesures "sociales" réclamées par le FMI et qui auraient dû être réalisées à la veille des élections de novembre 2002, mais qui ont été retardées à cause de la guerre.

Le mouvement antiguerre a connu une accélération et réalisé une percée significative. Il peut constituer un facteur de régénération du combat politique et social. Ainsi, après une longue interruption, on assiste à une convergence de l'opposition sociale et des partis politiques. Elle commence à se faire entendre à l'échelle mondiale, ce qui lui assure une certaine légitimité en Turquie même. Et peut lui permettre, malgré les tensions, de s'inscrire dans la durée."

03/04/2017

Le traité de neutralité entre l'URSS et la Turquie (1925)

Irandoust, "Le traité entre l'Union soviétique et la Turquie", Cahiers du Bolchévisme, 2e année, n° 35, 15 janvier 1926, p. 114-115 :

"Deux événements considérables se sont produits le 17 décembre, qui détermineront la situation internationale de la Turquie et du Proche-Orient tout entier. A Genève, la S. D. N. a voté une résolution sanctionnant l'occupation de la province turque de Mossoul, réalisée par l'Angleterre en 1918. Le même jour, le camarade Tchitchérine et le ministre des Affaires étrangères, Tewik-Ruchdi, signèrent à Paris un traité qui donne des formes plus précises aux relations d'amitié qui existent actuellement entre l'Union soviétique et la République turque.

La coïncidence des dates et le contenu des documents internationaux cités plus haut, ne sont pas fortuits. La décision de Genève de donner Mossoul à l'Irak, c'est-à-dire à l'Angleterre, fut une excellente illustration des déclarations faites naguère par Chamberlain sur les intentions du gouvernement britannique de transporter « l'esprit de Locarno » en Orient. Quoique la presse turque appelle cette décision « un acte de violence brutale et d'arbitraire révoltant », le ministre anglais des Affaires étrangères avait le courage d'annoncer dans son rapport aux Communes que le gouvernement britannique s'engagerait, dans la question de Mossoul, dans la voie du compromis avec la Turquie « naturellement dans les limites de la décision prise par la S. D. N. ».

Le sens de ces opinions est démasqué par le Daily Herald. Selon ce dernier, deux tendances de la politique asiatique se heurtent au sein du cabinet anglais. L'une tend à un accord avec l'Union soviétique afin d'isoler la Turquie, l'autre préconise un accord avec la Turquie, afin de compléter l'isolement de l'Union soviétique. Comme nous voyons, c'est également « l'esprit de Locarno » de M. Chamberlain qui s'efforce d'affaiblir la résistance à laquelle se heurte la politique impérialiste de l'Angleterre en Orient en isolant l'Union soviétique des pays de l'Orient.

La décision de la S. D. N. dans la question de Mossoul ne résout point du tout la question, tant que la Turquie ne la reconnaît pas. L'opinion publique anglaise est extrêmement inquiète de l'attitude adoptée par la Turquie à propos de la question de Mossoul. Le bruit que la presse impérialiste de toutes les nuances soulève maintenant à propos du danger qui menace la Turquie, si elle ne se soumet pas à la décision de la S. D. N., montre l'anxiété qui règne dans les milieux dirigeants anglais.

Il n'y a pas longtemps que le journal officiel du ministère français des Affaires étrangères constatait avec inquiétude qu'il fallait voir dans les derniers événements en Perse, « le commencement de la constitution d'un groupement étroitement lié, composé de l'union soviétique, de la Perse et de la Turquie, la première étape de l'organisation des Etats orientaux ». Le journal faisait ressortir que cette politique de rapprochement des peuples orientaux constituait un danger immense, non seulement pour la domination anglaise en Asie, mais également pour l'influence européenne tout entière.

C'est pourquoi ces derniers temps tout l'appareil de la diplomatie impérialiste est mis en mouvement, afin de détruire de l'intérieur la menace du rapprochement des peuples orientaux. Les journaux anglais et l'Union soviétique, dont certains points seraient dirigés contre les intérêts de la Turquie. Le journal principal de la réaction anglaise, le Morning Post, dépasse tous les autres dans cette voie en publiant, ces jours-ci, une nouvelle sensationnelle sur un prétendu traité secret entre la Turquie et l'Union soviétique aux termes duquel l'Union soviétique aurait concédé à la Turquie le droit d'occuper l'Azerbeidjan perse. Ce journal honorable s'efforce de faire peur à la Turquie en prétendant que l'Union soviétique, non seulement ne la soutiendra pas dans la question de Mossoul, mais qu'elle prépare, au contraire, des plans d'attaque contre la Turquie, qu'elle convoite l'occupation de Constantinople.

La presse boulevardière de Paris confirme cette « information » en déclarant que l'Union soviétique ne voudrait pas se lier les mains par une convention avec la Turquie, puisque l'Union soviétique pense sérieusement à s'accorder avec l'Occident. La presse bourgeoise espère provoquer ainsi, par ce bavardage incohérent, des querelles entre les différents pays orientaux et semer les doutes sur la politique orientale de l'U. R. S. S.

La presse de l'Union soviétique n'a pas donné beaucoup de place à la réfutation de cette campagne calomniatrice de la presse impérialiste. Cela n'était pas d'ailleurs nécessaire. Le traité publié entre l'Union soviétique et la Turquie fut une excellente démonstration de notre politique orientale, en général, et des relations existant entre l'Union soviétique et la Turquie, en particulier. Le camarade Litvinov déclare, dans une interview, que l'Union soviétique est prête à conclure un traité semblable avec n'importe quel pays désireux d'entrer en relations amicales avec l'Union soviétique. Notre nouvel accord avec la Turquie constitue, de ce point de vue, un contraste parfait avec les méthodes de la politique locarniste en Orient. La décision de la S. D. N. dans la question de Mossoul, sanctionnant la politique anglaise de brigandage, dissipe toutes les illusions locarnistes que le gouvernement anglais s'efforce de répandre en Orient.

Il y a quelques jours, l'organe officieux turc résumait la situation actuelle de la façon suivante : « le caractère impérialiste de la S. D. N. nécessite la création d'une nouvelle alliance, se proposant comme but la libération des peuples asiatiques du joug de l'impérialisme. Cette alliance doit être créée par l'initiative des peuples opprimés du Proche-Orient.

Notre traité avec la Turquie n'est pas dirigé contre un tiers Etat, mais il apparaîtra aux yeux de l'Orient tout entier comme une excellente manifestation d'une véritable politique de paix et de rapprochement des différents peuples."