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03/04/2017

Turquie-Perse-Afghanistan : la Triple-Alliance du progrès contre l'impérialisme britannique

Robert Louzon, "Salut à la Triple-Alliance du Progrès !", La Révolution prolétarienne, 5e année, n° 76, 15 mars 1929, p. 7 :

"Il n'y a pas qu'un colonel Lawrence !

En même temps que se produisait la révolte des tribus afghanes de la frontière de l'Inde contre l'émir réformateur, des révoltes de même origine se produisaient en Perse, ainsi qu'il résulte d'une correspondance de Téhéran, publiée par le journal ouvrier espérantiste Sennaciulo. Ce fut d'abord à Tauriz : profitant du mécontentement causé par la conscription, le clergé persan tenta de soulever la population. Puis, cette échauffourée à peine calmée, les tribus du Louristan prirent les armes, des armes très perfectionnées, et... naturellement de fabrication britannique. Peu après enfin, c'étaient les habitants du Seistan, province fort éloignée de la précédente, mais, comme elle, limitrophe d'un protectorat britannique, le Beloutchistan, qui se rebellèrent.

C'est donc bien une offensive concertée de l'Empire britannique contre le magnifique effort de libération physique, morale et intellectuelle, qui se poursuit rapidement en Perse et en Afghanistan. C'est la suite des efforts faits par Lloyd George contre la Turquie nouvelle, au lendemain de la guerre, au moyen de Venizelos et de son armée. La Turquie, la Perse, l'Afghanistan, sont les trois seuls grands pays musulmans indépendants ; grâce à cette indépendance, ils sont en train de marcher à une allure magnifique sur la voie du progrès, ce qui contraste singulièrement avec l'état de semi-barbarie dans lequel sont maintenus par l'Angleterre et la France les Musulmans des colonies.

L'Angleterre est prête à tout pour empêcher ce contraste de se poursuivre, pour que, au moins, ils restent dans l'ignorance et l'anarchie, ces peuples qui sont parvenus à échapper à sa domination. Mais on peut prédire à coup sûr, que la défaite du capitalisme britannique sera aussi complète en Perse et en Afghanistan qu'elle l'a été en Turquie. La nouvelle intrigue anglaise n'a eu jusqu'à présent qu'un seul résultat : elle a fait le bloc des trois Etats, des trois Etats modernistes et réformateurs du Proche-Orient. La Turquie, la Perse et l'Afghanistan ont maintenant compris qu'ils ne pouvaient, chacun, poursuivre leur oeuvre de réforme qu'à la condition de se prêter tous trois main-forte contre l'Angleterre, qu'à la condition de constituer le front unique du progrès contre la barbarie. L'arrivée d'officiers turcs à Kandahar pour aider Amanullah dans l'organisation de son armée, a été accueillie par les musulmans avertis, comme la preuve que ce front unique était réalisé, et ils ont salué celui-ci comme le signe de la victoire."

09/03/2017

Gueorgui Tchitchérine et les relations avec la Turquie kémaliste

Gueorgui Tchitchérine, lettre à Nikolaï Boukharine, début 1927, source : Jon Jacobson, When the Soviet Union Entered World Politics, Berkeley, University of California Press, 1994, p. 50 :

"Pouvez-vous, s'il vous plaît, cesser d'assimiler Tchiang Kaï-chek au kémalisme ? C'est absolument ridicule et cela gâche nos relations avec la Turquie. Gâcher nos relations avec l'Allemagne ne vous a pas suffi ? (...) Maintenant vous êtes vraiment en train de gâcher nos relations avec la Turquie !"

Gueorgui Tchitchérine, lettre à Alexeï Rykov, après le 21 septembre 1929, source : Pavel Chinsky, "Le cadavre en uniforme. Dernières lettres de G. V. Tchitchérine, commissaire du peuple aux Affaires étrangères", Communisme, n° 65-66, 2001, p. 112 :

"La ligne actuelle du Komintern me semble désastreuse. La campagne contre l'appareil d'Etat me plonge dans un état effroyable. En Chine nous payons les frais de la ligne fatale de 1927. En Afghanistan, dix années d'indifférence et d'inaction nous ont laissé perdre un atout exceptionnel. Nos commerciaux et notre indifférence, ainsi que des prises de position ineptes, gâchent tout en Turquie et en Perse."

31/08/2015

Le parcours de l'Ouzbek Rashid Dostom

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Jean-Marie Montali et Jacques Torregano, "L'autre Afghanistan", Le Figaro Magazine, 4 janvier 1997 :

"Le général ouzbek Rachid Dostom est né en 1955 à Shiberghan, petite ville proche de Mazar-e Charif, où se trouve aujourd'hui le siège de son parti : le Junbish (mouvement national islamique d'Afghanistan). Très jeune, il adhère au parti démocratique du peuple afghan (PDPA) - dénomination banalisée du parti communiste, dont il devient très rapidement cadre. Il s'engage également dans l'armée et sert dans la cavalerie motorisée. Avec l'invasion russe, il devient un serviteur zélé de l'armée Rouge et du gouvernement prosoviétique de Kaboul. A la tête de ses hommes - tous des Afghans -, il se bat contre les moudjahidin dans la vallée du Panjshir, dans le Kundunz ou à Kandahar. Très vite, la guérilla apprend à craindre celui pour qui il n'existe qu'un seul mot d'ordre : guerre totale. Ses exploits lui valent un premier surnom : « Gillam Jam ». Deux mots qui claquent comme une insulte. Cela peut se traduire par « rassembleur de tapis ». Une façon de dire qu'après un raid sur un village, Dostom pille le contenu de chaque maison. En 1990, il est nommé général de division. Un an plus tard, il est membre du comité central du parti et devient général de corps d'armée. En 1992, il change une première fois de camp et rejoint celui de la guérilla du légendaire Ahmed Sha Massoud, le héros de la résistance. L'alliance - qui a probablement hâté la fin du communisme - ne dure pas : Dostom tente de prendre Kaboul et trahit Massoud. Puis, c'est l'arrivée des talibans sur la scène afghane. Dostom hésite, tergiverse et décide enfin de se ranger, une nouvelle fois, du côté de Massoud. Un dernier détail : Dostom n'est pas son vrai nom. C'est un surnom qui veut dire « mon ami ». Il existe plusieurs versions sur son origine. La plus répandue prétend que ce sont les Russes qui, les premiers, l'ont appelé ainsi."

30/05/2015

La Russie bolchevique et la ceinture des pays musulmans indépendants (Turquie, Perse, Afghanistan)

Stéphane Yerasimos, "Les Arabes et les Turcs : Quelques repères sur un chemin tortueux", Hérodote, n° 60-61, 1er-2e trimestres 1991, p. 174-175 :

"L'expansion des Empires russe et britannique avait laissé subsister, avant la Première Guerre mondiale, une série d'Etats-tampons situés entre leurs axes de progression : l'Empire ottoman, l'Iran, l'Afghanistan. L'entente des deux grandes puissances en vue de la Première Guerre mondiale entraîna l'extension des zones d'influence sur ces pays, tandis que l'effondrement passager de la Russie en 1917 fit croire un moment à la Grande-Bretagne qu'elle pourrait placer toute cette zone sous son contrôle direct. Cette tentative fut vouée à l'échec non seulement à cause de l'impossibilité de la Grande-Bretagne à gérer tous ses acquis de la guerre, ou de la montée en puissance de l'Union soviétique, mais aussi à cause de la résistance inattendue des pays en question. Mustafa Kemal réussissait à imposer la quasi-totalité de ses revendications nationales, aussi bien territoriales qu'économiques, l'Afghanistan faisait face à une nouvelle guerre anglo-afghane et l'Iran mettait en échec le traité de quasi-protectorat imposé par lord Curzon, entraînant en même temps la chute de la dynastie Qadjar remplacée par un colonel des Cosaques nationaliste, Reza Chah Pahlavi.

Si la remontée en puissance de la Russie pendant la période où ces événements se déroulent (1919-1923) contribue à la résistance des pays en question (notamment l'aide militaire soviétique au mouvement kémaliste fut très importante, sinon déterminante), cette remontée empêche en même temps une rupture entre ces pays et la Grande-Bretagne, puisque la réapparition de l'antagonisme entre ces deux puissances entraîne quasi automatiquement le jeu d'équilibre des pays intermédiaires.

Sans oublier que ces derniers ont eu également pendant cette même période maille à partir avec les Russes. Ainsi, Mustafa Kemal fit une seconde entorse (après Mossoul) à ses revendications territoriales en rétrocédant Batoum, qui avait été abandonné aux Ottomans par le traité de Brest-Litovsk en mars 1918 et les Soviétiques occupèrent au printemps 1920 une partie du littoral caspien iranien.

Ces rapports complexes entraînèrent une série d'engagements. L'Union soviétique, qui reconnut la première le gouvernement d'Ankara par le traité signé à Moscou le 16 mars 1921, signa également des traités bilatéraux avec l'Iran et l'Afghanistan. Enfin, les délégués turcs et afghans, qui se trouvaient à Moscou pour discuter avec les Soviétiques, signèrent sur les instances de ces derniers un traité turco-afghan le 1er mars 1921. Ce dernier traité a aussi une autre histoire. A l'armistice de 1918, les leaders Jeunes-Turcs s'enfuirent en Allemagne et tentèrent de monter, avec des généraux extrémistes allemands et des responsables bolcheviques, une société secrète de subversion en Asie centrale et dans le monde islamique. Un des objectifs, dont la partie turque se charge plus particulièrement, est la résistance afghane contre les Britanniques. Même si Ankara désavoue ces agissements, le traité turco-afghan n'y est pas étranger et la République turque enverra des instructeurs militaires en Afghanistan.

Par ces traités, l'Union soviétique entend peut-être constituer un bloc anti-impérialiste. Il en résultera une ceinture de pays qu'on pourrait aujourd'hui appeler non alignés entre l'Empire russe reconstitué et le Moyen-Orient arabe contrôlé par la Grande-Bretagne et la France."